Séance 6 – les minorités

Séance 6, 13/06/18.  Djurdja Roganovic (Institut français de géopolitique)

L’identité des Roms magyarophones de Slovaquie de nos jours

L’hétérogénéité ethnique et linguistique caractérisant l’ensemble des communautés roms en Slovaquie multiplie les champs d’études, et les rend plus ou moins difficile, suivant le degré d’intégration dans la société de la communauté que l’on étudie. D’après le recensement de 2011, la Slovaquie compte 105 738 habitants se déclarant comme Roms. Or, selon l’Atlas des communautés roms, dont l’objectif est principalement de faire un état des lieux de l’infrastructure habitée par des personnes considérées comme Roms (selon la couleur de la peau, leur mode de vie), et par conséquent, de leur nombre, ils seraient 402 840. L’écart entre ces deux chiffres est dû à la politique d’assimilation qu’ils ont subie pendant la période communiste, dont une des méthodes était l’impossibilité de se déclarer comme Rom avant 1991. Sur ces 402 840, ils seraient, d’après les estimations du Plénipotentiaire du gouvernement, 100 000 à avoir comme langue maternelle le hongrois.

Étant donné que le nombre de personnes parmi les 402 840 recensées dans l’Atlas qui se sont déclarées comme Hongrois reste pratiquement impossible à saisir, nous nous sommes penchée sur la place au sein de la minorité hongroise de ceux ayant comme langue natale le hongrois. Leur condition n’est pas évoquée dans le programme du SMK (parti hongrois), qui n’a pas non plus défini une politique à leur égard. Le MOST-HID (parti slovaco-hongrois) a, par contre, consacré un chapitre entier aux questions sociales et ethniques des Roms en Slovaquie, dont les Roms magyarophones. Le MOST-HID, en tant que parti inclusif encourage à développer la partie hongroise de l’identité d’un individu et veut voir les Roms magyarophones pleinement acceptés comme membres de la minorité hongroise. « Dans certaines communes, notamment dans celles de la région historique de Gemer, c’est grâce aux Roms s’étant déclarés comme Magyars, que les Hongrois jouissent des droits linguistiques. La natalité des Hongrois non-Roms est en baisse, contrairement à celle des Roms en général. Voilà pourquoi ils représentent l’avenir de notre communauté dans nombre de communes. » (Ábel Ravasz, Plénipotentiaire du gouvernement pour les communautés romes). Ce point de vue contraste avec ce que Zoltán Balog, ministre hongrois des Ressources humaines, a déclaré en juillet 2017 : « Les communautés et le gouvernement hongrois n’ont pas encore décidé si les Roms magyarophones en dehors de la Hongrie étaient un fardeau ou une ressource. ». (« Á. Ravasz : Maďarsky hovoriaci Rómovia udržujú tradície, tešme sa z nich », www.teraz.sk, le 22 juillet 2017)

La situation particulière des Roms hongrois relève de leur complexité identitaire : leur appartenance à une minorité ethnique faisant l’objet de préjugés et discriminations au niveau national, doublée d’une identification linguistique et culturelle à une autre minorité du pays. D’où l’intérêt d’étudier la question sous ces deux aspects : décrypter leur condition ressemblant à celle des autres Roms de Slovaquie, et analyser leurs rapports avec la communauté dont ils partagent la langue.